QD & MOI – BAPTISTE ELLEQUAIN – NARRATIVE DESIGNER
Quantic Dream : Peux-tu te présenter ? Quel est ton nom, d’où viens-tu et quel est ton rôle chez Quantic Dream ?
Hello there! Je m’appelle Baptiste, je suis franco-espagnol et j’ai principalement grandi à Cannes, dans le Sud-Est de la France. Je travaille dans le studio parisien de Quantic Dream comme Narrative Designer & Writer depuis 3 ans sur un projet non-annoncé, et depuis peu sur Star Wars EclipseTM également.
QD : Comment t’es-tu retrouvé à travailler dans l’industrie du jeu vidéo ? Était-ce un rêve de longue date, ou l’as-tu intégré un peu par hasard ?
L’écriture a toujours été une évidence pour moi, mais curieusement, pendant longtemps je n’ai pas envisagé le jeu vidéo comme un puissant vecteur narratif. Je joue beaucoup depuis mon plus jeune âge mais ce n’est que durant mes études de cinéma que j’ai réalisé l’implication émotionnelle et la dimension cathartique du jeu vidéo. Les principes d’arborescences, de réactions en chaine, ont toujours bercé mon imaginaire et la narration interactive est justement la convergence de ces concepts. La vision du jeu vidéo prônée par Quantic Dream m’a donc tout de suite touché ; j’ai entamé des études de jeu vidéo en rêvant de pouvoir un jour écrire pour ce studio !
Je me revois assis par terre durant la Paris Games Week 2015 à regarder le trailer de Detroit: Become Human, des étoiles dans les yeux, puis à celle de 2017 à m’empresser de mettre les mains sur la démo The Hostage. Et les nuits avec des amis à tenter d’atteindre la fin avant l’aube !
J’ai même fait tester Beyond: Two Souls aux spectateurs d’une conférence que je donnais sur la narration interactive ; le jeu a d’ailleurs été une des inspirations pour mon projet de fin d’études. Je pourrais continuer à énumérer les fois où Quantic Dream a fait irruption dans ma vie, mais l’essentiel est là : j’ai pris les bons embranchements pour réaliser mon rêve d’enfant et mon rêve d’adulte à la fois.
QD : Parle-nous plus précisément de ton travail ici ; quel est ton rôle et celui de ton équipe ?
Contrairement à ce que certains pourraient penser, mon travail ne se résume pas à écrire, écrire puis réécrire ! Selon les phases du projet, je suis amené à imaginer des systèmes de narration, des structures d’arcs narratifs et leurs embranchements, des scènes qui mettent en valeur le gameplay, ou encore lire celles déjà écrites afin de proposer des améliorations et rédiger des résumés pour d’autres équipes. La collaboration avec les autres départements est essentielle dans le rôle de Narrative Designer : nous sommes mis à contribution même une fois le jeu écrit, pour s’assurer que la vision narrative est comprise par tout le monde et qu’aucune incohérence n’émerge durant les phases de développement.
QD : Dis-nous en plus sur les membres de ton équipe.
Je collabore avec différentes équipes en fonction du projet et des sujets, mais celle avec qui je travaille toujours, et ce depuis le tout premier jour, est ma chère binôme Maéva. Nous avons développé une vraie connexion créative, nous n’avons plus aucune pudeur au moment de nous relire mutuellement. Nous nous connaissons si bien que je reconnais instantanément ses répliques et elle est toujours la première à comprendre mes schémas alambiqués ! Ce genre de symbiose est très précieux.
QD : Peux-tu nous décrire ta journée type ? Est-ce que ça existe pour toi ?
Il y a des rituels, des réunions qui viennent rythmer mon quotidien, dédiées aux tâches en cours ou au partage des idées créatives. Mais je peux être amené à collaborer avec des profils plus techniques, pour mettre au point différents outils, ou simplement pour suivre l’avancée du projet. Créer un jeu vidéo implique de travailler avec beaucoup de corps de métier différents, de la technique à l’artistique, en passant par l’équipe de tournage sur le plateau de motion capture. Le reste du temps, j’avance, avec cette part d’imprévu communément appelée « inspiration » !
QD : Certaines de tes inspirations extérieures se reflètent-elles dans ton travail ?
Mon éducation m’a imprégné de tout ce qui touche au rapport de l’humain à ses émotions, son inconscient et sa psychologie en général. J’aime apporter une dimension engagée à ce que j’écris.
D’autre part, Star Wars est une franchise très importante pour moi : je suis allé voir avec ma mère Dark Vador et les Stormtroopers monter les marches du Festival de Cannes pour la Revanche des Sith. J’ai ensuite vu 5 fois le film au cinéma ! J’ai joué des centaines d’heures au vieux Star Wars Battlefront 2 sur ma regrettée PSP, je peine à décrocher les posters et autres sabres lasers dans ma chambre d’adolescent, et garde précieusement l’échiquier Star Wars qui a d’ailleurs contribué à ma passion pour ce jeu.
Encore plus improbable : durant mes études de cinéma, mon professeur de montage, qui s’avère être de la même famille que l’actrice qui joue Alice dans Detroit: Become Human, a montré un extrait d’un documentaire sur Star Wars où l’on voyait la cérémonie de pose d’empreintes de Vador, C3PO et R2D2 à Hollywood Boulevard en 1977. Et j’ai reconnu mon père en t-shirt bleu derrière son personnage favori !
Travailler sur ce jeu est donc un rêve dans le rêve, mais aussi une responsabilité : je mets un point d’honneur à représenter les fans comme moi, qui veulent que cet univers mythique soit respecté et sublimé.
QD : Voici une grande question… Quels sont tes jeux préférés ?
Parmi les jeux “indés”, celui qui m’a le plus marqué est What Remains of Edith Finch, qui renouvelle son gameplay sans cesse et façonne subtilement une narration à la fois morcelée et cohérente. Je garde aussi un excellent souvenir d’Inside et Unravel, qui montrent qu’on peut faire vivre une histoire relativement concrète sans recourir aux procédés narratifs classiques.
Dans un tout autre genre, je suis friand de jeux narratifs en monde ouvert, comme les anciens Assassin’s Creed. J’ai aussi dépassé les 1000 heures de jeu sur Rainbow Six Siege ! Ce jeu reste l’un des rares à me procurer presque autant de plaisir tactique que les échecs.
QD : Dis-nous en plus sur tes centres d’intérêt en dehors du travail.
Les échecs, justement. J’ai joué pendant 15 ans dans les équipes de Cannes ; ça m’a inculqué un certain nombre de vertus, a nourri ma logique et forgé mon esprit d’équipe. Autant d’atouts pour créer des jeux vidéo. Et ça m’a amené à fonder le club d’échecs de Quantic Dream ! Nous organisons même des matches Paris VS Montréal, lorsque les deux studios sont réunis. J’aime aussi regarder le sport ; je soutiens le Real Madrid, une équipe mauvaise pour le cœur avec ses remontées fantastiques et ses victoires inespérées ! Enfin, je m’évade régulièrement de Paris pour retrouver la mer face à laquelle j’ai grandi, ou faire du quad entre les champs de lavande !
QD : À quoi ressemble ton vendredi soir idéal ?
Les fondamentaux seraient :
- Une bonne compagnie
- Un bon divertissement
- Un bon repas… pizza aux aubergines, Fideuà ou Pad Thaï
QD : As-tu un message pour nos lecteurs ?
Notre manière de venir au monde influence notre façon de le percevoir. Ne sous-estimez jamais l’impact de la grossesse, de la naissance et du début de l’enfance sur nos schémas de pensée. Il n’est jamais trop tard pour s’en apercevoir, mais aussi pour décider de faire venir nos enfants au monde d’une manière plus « douce » et consciente.
QD : Dernière question ! Gâteau au chocolat ou tarte aux fruits ?
N’importe quoi avec du chocolat ! Seuls un bon fraisier ou un ispahan peuvent rivaliser avec le chocolat dans mon cœur.